Mimes, pitreries, chansons et acrobaties… Au service pédiatrique du CHU de Grenoble, les clowns hospitaliers de l’association Soleil rouge interviennent toute l’année pour redonner le sourire à près de 10 000 enfants hospitalisés. Mais derrière le nez rouge dont tous s’égayent, les professionnels se donnent les moyens pour faire de l’hôpital un lieu coloré et vivant.
Une légende raconte que le clown et le médecin étaient, dans l’Histoire, une seule et même personne appelée chaman. Puis, au fil du temps, les deux ont été séparés, le docteur envoyé à l’hôpital et le clown, lui, sous un chapiteau. Leïla Ariche, clown professionnelle, s’en amuse : « le clown hospitalier, quelque part, c’est le moyen aujourd’hui de réunir à nouveau les deux ».
Si la légitimité du chaman reste à prouver, celle du clown hospitalier, elle, est assurée. En France, environ 330 comédiens clowns interviennent en 2022 dans les hôpitaux auprès des enfants, parents et soignants. Soigner par le rire, voilà l’essence de la profession. Olivier Boujon, sous le nom de Groom, en atteste : « Notre super objectif est le rire ». Bien que différent des soins prodigués par la médecine, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) confirme dans son rapport de 2019 que « les activités artistiques (musique, artisanat, clowns, etc.) permettent de diminuer le niveau d’anxiété, de lutter contre la douleur et de faire baisser la tension artérielle, en particulier chez les enfants, mais aussi chez leurs parents ».
Un enfant avant tout
L’enfant s’amuse et oublie un instant sa souffrance. Christiane Pouliat, directrice de Soleil Rouge, aime à penser que grâce à cet échange, « les enfants redeviennent des enfants ». Et s’ils ne souhaitent pas voir les clowns, ils ont le droit de refuser. Le « non » est précieux selon la directrice, car « c’est le seul moment où l’enfant peut refuser quelque chose, contrairement à la maladie ou le traitement, qui lui sont imposés ».
Les spectacles sont improvisés et adaptés à chacun selon sa pathologie et son état émotionnel, données échangées au préalable entre les comédiens et les soignants lors d’une « relève ». Il s’agit ainsi pour Groom et Pétula, le duo formé par Olivier et Leïla, de rester lucide, à l’écoute, et « d’activer des antennes dès la porte franchie. Comme les fourmis. » sourit Leila. Voilà la différence que note Olivier avec les clowns « du dehors » : la construction se fait au présent et « au service de l’enfant et de sa famille ».
Une ode à la vie
Sous les éclats de rires se cache un métier complexe et une vraie charge émotionnelle. Car il n’est pas facile de rester souriant et léger auprès de jeunes atteints de maladies parfois très graves. Christiane le sait, être clown « nécessite de savoir gérer une dualité entre une grande empathie et une prise de distance pour ne pas être une éponge émotionnelle ». Pour tenter de se protéger, Leïla enfile « un bouclier génial » : son costume de Pétula. « On agit, on prend de l’émotion et faut savoir la remettre ailleurs ou la transformer. » ajoute Olivier. C’est comme cela que son image d’un hôpital froid et repoussant, est devenue celle d’un « lieu de vie où règne la couleur et la folie ». Le duo se sent « vivant parmi les vivants ». Un carrefour qui, selon Leïla, « révèle au mieux l’humanité ».
Et les clowns sont populaires. Environ 9 000 enfants les attendent chaque année à Grenoble. Face à cet engouement, Christiane Pouliat espère « recueillir toujours plus de dons » afin d’élargir l’équipe de clowns professionnels et de continuer à donner aux enfants et à leur famille cette précieuse aide, dont « l’hôpital ne s’imagine plus aujourd’hui pouvoir se passer ».
Ecrit par Ysée Demenus.