L’AS DE SCIENCES PO GRENOBLE APPELLE AU BOYCOTT DE LA COUPE DU MONDE DE FOOTBALL AU QATAR

Pourquoi parler de la Coupe du Monde au Qatar ? 

Le 20 novembre sera marqué par le coup d’envoi de la coupe du monde de football au Qatar. Ce pays limitrophe de l’Arabie Saoudite et du Bahreïn, localisé dans la péninsule arabique, au bord du golfe persique, est composé d’un désert aride et détient un long littoral avec des plages, dunes et des nombreuses villes futuristes. 

La FIFA (Fédération Internationale de Football Association) attribuait en 2010 cette compétition sportive au Qatar et aujourd’hui, cette décision questionne. Lorsque la FIFA accorde cet accueil de la coupe du monde, celle-ci ne demande au pays aucune contrepartie relative à la question des droits humains et ne semble pas vraiment tenir compte des coûts environnementaux liés à son déroulement dans un pays aride. 

Depuis quelques mois, de nombreuses associations, États et sportifs/ves se sont indigné.e.s face à cette attribution et certain.e.s ont même appelé au boycott de cette compétition mondiale. Pourtant, ce n’est pas la première fois qu’un évènement sportif suscite débats. Dès lors qu’une compétition est mise en place, nous observons quasi systématiquement un certain boycott et ce, surtout lorsque ce n’est pas un pays occidental qui est à l’origine de son organisation. Il est alors important de rappeler que le boycott de cette coupe du monde ne doit pas servir les discours haineux ou raciste qui chercheraient à décrédibiliser le pays par cette voie. Les reproches faits au Qatar sont bien spécifiques. 

Premièrement, le Qatar n’est pas un pays qui dispose d’une culture du football très développée. Ce jeune pays a été créé il y a une cinquantaine d’années et a déjà remporté la coupe d’Asie des Nations il y a deux ans mais ces performances sportives ne semblent pas le rendre très légitime face à la grandeur de cette compétition. Toujours est-il, les mêmes interrogations avaient déjà été soulevées dans le passé, notamment en 1994 lors de l’attribution de la Coupe du monde aux Etats-Unis et pareillement pour la co-organisation de celle-ci par le Japon et l’Amérique du Sud en 2002 ou encore en 2010, lors de son déroulement en Afrique du Sud. 

Il faut garder à l’esprit que miser sur le sport permet de gagner de la visibilité à une échelle mondiale et représente un enjeu pour la FIFA car cela lui permet d’étendre son empire. Néanmoins, le Qatar ne semble pas avoir calculé que cette visibilité puisse lui apporter des inconvénients. 

Le climat très chaud et désertique du Qatar entraîne nécessairement des particularités techniques à résoudre, comme la climatisation de toutes les infrastructures servant au déroulement de la compétition. De nombreuses revendications sont portées par les associations et autres ONG visant les politiques de la FIFA. Il lui est alors demandé de revoir ses objectifs et d’aller dans le sens d’une recherche d’un bilan carbone pour l’organisation de ses compétitions le plus neutre possible.  

Il est également reproché à la FIFA de ne pas tenir compte du non-respect des droits humains de la part de ce pays. Les conditions des travailleureuses émigré.e.s sont en effet « le point noir » du Qatar. Alors qu’ils représentent les deux tiers de la population, ces dernier.e.s n’ont que très peu voire pas de droits politiques, syndicaux ou sociaux et aucune perspective d’intégration au système social qatari. 

Amnesty International publiait il y a quelque temps un rapport sur les conditions de travail des ouvrier.e.s ayant construit les stades. Le manque de respect de leurs droits, des droits humains en général, le décès dû à la négligence se manifestant sous diverses formes, le travail forcé de ces ouvrier.e.s pouvant se comparer à de l’esclavage avec un salaire moyen proche de 142€ par mois, nous motive à boycotter cet événement. The Gardian annonçait que 6.500 travailleurs auraient perdu la vie dans ces “camps de construction” à cause de la chaleur, des chutes, des arrêts cardiaques. Le Qatar quant à lui parle de 38 morts. Il s’agit de manipuler ces chiffres avec précaution d’autant plus que l’Organisation Internationale du Travail n’a pas de statistiques références des années précédentes et qu’aucun n’ont jamais réellement été prouvés. Cependant, les conditions misérables dans lesquelles travaillent ces individus sont bien réelles et les accidents arrivent souvent et ne sont pas dédommagés. 

Jusqu’à lors, le Qatar ne semblait pas avoir réagi sur ce point mais il a pris, il y a peu, quelques mesures. Parmi elles, la mise en place d’un salaire minimum. 

Il apparaît alors urgent de remettre en cause la politique du pays hôte mais également les agences qui envoient ces travailleurs et prennent des commissions sur le travail de ces derniers (certaines entreprises françaises ont elles aussi employé des ouvriers qataris). 

De plus, des questions se posent quant à l’organisation d’une compétition mondialement reconnu dans un pays où la pénalisation de l’homosexualité est institutionnalisé (les sanctions  peuvent s’élèver jusqu’à 7 ans de prison et la peine de mort pour les personnes de confession musulmane)

Pourquoi appeler au boycott :

Si c’est la politique du pays qui est remise en cause alors il ne faut pas simplement boycotter une compétition sportive car, même si c’est un acte symbolique, cela ne suffit pas. Un boycott économique total pourrait être envisagé. Il s’agirait, alors dans un contexte plus large, de cesser de lui vendre des rafales, des airbus, de construire des hôtels ou des métros dans ce pays et d’arrêter de lui acheter du gaz et du pétrole. Le sport sert ici de variable d’ajustement aux protestations morales cependant, une certaine révision de la politique du pays pourrait être réfléchie par le gouvernement en cas de baisse drastique du visionnage de ces matchs (c’est du moins ce que nous pouvons espérer). 

Afin de protester contre la situation humanitaire, vingt grandes villes françaises ont annoncé qu’elles ne feraient pas la promotion de cet événement et refuseraient d’installer des écrans géants pour son visionnage. Parmi ces villes, Paris, et ce, bien que son club du PSG parte au Qatar pour participer à la compétition. 

Certaines équipes nationales ont, elles aussi, appelé au boycott, cependant, il paraît douteux qu’une équipe appelée à participer à la coupe du monde renonce à y assister. L’équipe norvégienne de foot à elle aussi fait part de sa volonté de boycott, suivie ensuite par les équipes du Pays bas, d’Allemagne et enfin du Danemark. Toutes ces équipes dénoncent le bafouement des droits humains.

C’est même dès 2011 que le Danemark a, avec sa fédération footballistique, envoyé une lettre à la FIFA demandant une enquête poussée sur le nombre de morts parmi les travailleureuses migrant.e.s et a formé ses joueurs sur la question auprès d’Amnesty International. L’équipe nationale du Danemark se rendra bien au mondial mais sans la présence de leurs proches, qui habituellement voyagent et assistent aux compétitions avec les sportifs. La fédération dit vouloir limiter les profits engagés par le Qatar. Les membres des administrations vont eux aussi réduire leur présence sur place. Hummel, leur sponsor, s’est quant à lui positionné sur la question en dévoilant les maillots que porteront les joueurs sur la pelouse et dont le logo et l’écusson ont été estompés au maximum. L’équipementier annonce ne pas vouloir être visible lors d’un tournoi qui a coûté la vie à des milliers de personnes. La marque a aussi créé un maillot entièrement noir pour l’occasion, en signe de deuil. Doha avait protesté en se disant injustement attaqué mais il semblerait que cette mesure soit maintenue.  

Amnesty International, quant à elle, n’appelle pas au boycott mais interpelle la Fédération française de football (FFF) en lui demandant de prendre position sur la question des droits humains au Qatar. La FFF à d’ailleurs répondu en annonçant qu’elle ne ferait pas de déclaration publique. 

Malgré ces diverses mobilisations, les acteurices trouvent un point de concordance et réaffirment que la pression doit venir d’en haut. Le Comité international olympique et la FIFA prônent des valeurs telles que l’inclusion et ne suivent pas leurs principes une fois l’attribution ou la participation aux compétitions. Il ne semble alors pas juste que le niveau d’impunité soit tel qu’il en soit de la responsabilité individuelle de chacun.e de ne pas regarder la diffusion des matchs de cette compétition.

Quelques moyens de pression : agissons !

A différentes échelles, le moyen qui semble le plus percutant et atteignable reste une baisse significative des audiences qui peut être effectué par différentes voix. Les sponsors peuvent eux-mêmes désavouer les politiques de la FIFA ou du CIO. Les États doivent s’engager politiquement afin que les organisations sportives modifient leur cahier des charges, comme l’a fait l’UEFA (Union des associations européennes de football) au niveau européen. Ce regroupement européen du football a renforcé ses critères éthiques pour l’attribution d’une compétition. En dialoguant et créant des rapports de force, l’Europe à un rôle majeur à jouer dans la réduction jusqu’à l’abandon de l’organisation de ce type de compétitions dans des conditions telles qu’elles existent. Enfin, d’un point de vue environnemental, la question se pose toujours d’une potentielle réduction des compétitions sportives, qui sont, malheureusement, plus faciles à organiser dans des pays dépourvus de démocratie et dans lesquels les forces sociales s’opposent moins aux compétitions, pour des raisons évidentes, mais restent les premiers touchés face à la crise climatique. 

Pour des raisons transparentes de convictions, qu’elles soient environnementales ou qu’elles concernent le respect des droits humains, l’Association Sportive de Sciences Po Grenoble appelle au boycott de cette compétition de manière consensuelle. Elle s’engage à ne partager aucune information la concernant; à titre personnel, ne visionner aucun des matchs de la Coupe du monde et elle vous appelle à faire de même !!!

Ecrit par Vatna Cravero.

Auteur : lecheveusurlalangue

Journal de SciencesPo Grenoble (Isère, 38) et de ses étudiant.e.s

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