Voyage au pays du vin

Retour sur une rencontre entre la France et la Géorgie à travers cette même culture du gout et du savoir-faire. Un même symbole national marqué toutefois par des pratiques différentes et des histoires divergentes.

Une rencontre enrichissante dans le cadre du Festival d’Œnologie et de Sciences Politiques organisé par le Club Œnologie 2017/2018 et 2018/2019 avec la présence bienveillante de Monsieur Gocha Javakhishvili, Ministre Conseiller à l’Ambassade de Géorgie en France.

 

Le vin, ce nectar des dieux ou sang de Jésus, ce breuvage irréductible, incomparable par son gout, puissant par son ivresse, semble avoir trouvé sa terre natale en Géorgie. Une occasion de reconsidérer la place qu’a acquis ce savoir-faire historiquement français dans le reste du monde, lui qui fait partie de notre exception culturelle.

Les premières traces de viticulture et de vinification remontent entre 7000 et 9000 ans av. J-C. Dès 4000 ans av. J.-C, le jus de raisin était placé dans des pots d’argile enterrés (les fameuses Qvevri inscrites au patrimoine de l’UNESCO depuis 2013). Le symbole du vin se retrouve jusque sur la célèbre statue qui domine Tbilissi, la capitale du pays, appelée Kartlis deda (la mère de la Géorgie) tenant dans une main une épée et dans l’autre, une coupe de vin. Également la langue serait aussi un symbole du vin selon Gocha Javakhishvili affirmant que : « les lettres arrondies de notre langue sont comme la vigne et ses branches ».

« La vigne et le vin sont des symboles du passé, du présent et de l’avenir de la Géorgie : à la fois une culture, une identité et une spiritualité »

Ce pays méconnu ou du moins pensé dans l’imaginaire collectif occidental comme le petit frère de la Russie possède une histoire commune avec l’Europe. Ayant été en permanence et successivement envahi par les perses, grecques, romains, ottoman et mongols de par son emplacement géographique à la croisée de l’Orient et de l’Occident, vous ne pouvez trinquer avec un.e géorgien.ne qu’en lui souhaitant la victoire dans ses entreprises !

Durant le XXe siècle la Géorgie a été dominée par l’URSS et le vin a été délaissé avec la planification économique ne montrant que du crédit pour la quantité au détriment de la qualité. En conséquence, le communisme a désorganisé la production, en expropriant les propriétaires de vignobles après l’annexion par l’URSS de la Géorgie en 1921. Les autorités soviétiques ont ainsi nationalisé puis, fermé l’exploitation de beaucoup de producteurs.

Pour autant cela ne veut pas dire que le vin avait perdu sa place centrale comme le montre notre intervenant : « Vous savez, quand Staline rencontrait des chefs d’Etat d’autres pays, il se renseignait sur les gouts de ses invités leur disant : regardez celui-ci est mon préféré, dans le but que l’hôte éprouve de la sympathie à son égard », ainsi, « oui, le vin est utilisé comme un moyen et un outil diplomatique ».

« Le vin a toujours eu un rôle diplomatique dans notre pays »

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Ce n’est qu’après la chute de l’URSS et l’indépendance de la Géorgie que ce pays a pu se réapproprier son savoir-faire traditionnel et ancestral.

Au cœur de la culture viticole géorgienne se trouve les Qvevris, ce sont des amphores en terre cuite enfouies dans le sol et recouvertes de terre. Obturées par un bouchon de chêne et tapissées de cire, elles permettent de maintenir une température stable lors de la fermentation et d’empêcher l’échange entre le contenant et le contenu à l’inverse des tonneaux (utilisés en Europe/Amérique). Cette méthode est depuis toujours dans chaque village, dans chaque famille, dans chaque maison qui produit et consomme du vin. Une fabrication artisanale qui montre toute l’ampleur et la dimension spirituelle, voir quasi sacrée du vin chez les géorgiens rendant ces vins si surprenants, subtiles, uniques, chargés d’émotions aux notes envoutantes de printemps. En sommes, un savoir-faire immatériel qui surprend amateurs et professionnels de vin.

En seulement dix ans, la Géorgie s’est dotée d’une viticulture moderne et a commencé à exporter des vins de qualité surnommés « les vins de la liberté » comme un clin d’œil adressé aux russes.

Le vin, acteur incontestable de l’histoire géorgienne représente un atout géopolitique pour son économie exportatrice. Vendu dans plus de 50 pays, le premier client de cette exportation est la Russie ; le marché du vin français reste lui difficilement pénétrable de par sa législation très contraignante.

Bien que le vin géorgien soit très apprécié par les russes, un embargo commercial a été imposé par la Russie à partir de 2006 jusqu’à 2013 pour des « raisons sanitaires ». Cela pourrait être perçu comme une réponse à la « Révolution des Roses » de 2003 en Géorgie : en effet, cet évènement majeur a marqué le choix de l’Etat géorgien de s’émanciper de ses propres dysfonctionnements internes (corruption) et de l’influence de la Russie en ouvrant ses frontières et son économie à l’Europe. Cette révolution a souligné la volonté de la Géorgie de se rapprocher progressivement de l’OTAN et de l’UE depuis son indépendance en 1991.

A savoir : en tant que citoyens ressortissants de l’Union européenne vous pouvez rester en Géorgie sans visa pendant 365 jours.

Les relations entre la Géorgie et la Russie sont caractérisées par l’ambassadeur de « je t’aime moi non plus ». En effet, elles demeurent compliquées du fait de la dépendance économiqueme de la Géorgie à l’égard de la Russie alors même que ce pays se considère comme profondément européen. Pour preuve, la France a accueilli les politiques géorgiens hostiles en 1921 à l’imposition du communisme chez eux.

La Russe est aujourd’hui encore présente militairement sur 20% de l’ensemble du territoire de la Géorgie suite à la deuxième Guerre d’Ossétie de 2008.

Par ailleurs, l’actuelle Présidente de la Géorgie : Salomé Zourabichvili est une franco-géorgienne et a étudié en France (à la fois diplomate et secrétaire de plusieurs ambassades françaises). Cela symbolise l’étroitesse des relations entre de ces deux pays et plus généralement entre la Géorgie et de l’Europe.

La Géorgie et l’Union européenne ont signé un « Accord d’association » le 27 juin 2014 à Bruxelles.

Somme toute, cette excellente conférence aura permis la rencontre éphémère avec un pays qui ne demande qu’à être découvert, qui rayonne de par sa culture et sa tradition viticole. Un pays qui influencera, qui sait, le choix de votre prochaine destination ?

Auteur : lecheveusurlalangue

Journal de SciencesPo Grenoble (Isère, 38) et de ses étudiant.e.s

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