Lundi 2 mars, Sciences Po Grenoble a affronté sa bien-aimée rivale : Grenoble école de Management (GEM). En terrain ennemi, 5 membres d’Ethos Logos Pathos se sont livrés à des joutes oratoires avec des étudiants de GEM. Verdict : nos talentueux bretteurs ont rivalisé d’éloquence et n’ont pas démérité. Le jury, composé d’éminences grenobloises, a plébiscité les orateurs de Sciences Po.
Les joutes oratoires s’ouvraient sur le sujet « Le mariage est-il gai ? ». Philippe Girardet, étudiant de première année à l’IEP, se faisait le chantre du mariage avant de céder la place à sa contradictrice Maud Caillaux, élève à GEM. Elle était, dans l’arène de l’éloquence, la seule fille à porter le fer. Le premier duel annonçait la couleur : l’éloquence, matinée d’humour, serait au rendez-vous. Dans sa plaidoirie contre le mariage pour tous, l’étudiante de GEM cédait volontiers à l’attrait des blagues potaches. Dans le mariage, affirmait-elle, la femme rêve de l’amour avec un grand « A », quand l’homme veut surtout y voir un petit « q ». P. Girardet privilégiait les mots choisis et les références, quoique son intervention ne soit pas dénuée d’humour. Déjà, deux méthodes se faisaient jour entre les tribuns de GEM et ceux de Sciences Po.
Cédric Frize, représentant de notre école, bravait ensuite Aymeric Wallaert sur le sujet « Si tout est critiquable, la perfection existe-t-elle ? ». Côté GEM, on ne se déprenait pas de l’humour gras. La joute prenait le tour d’une confrontation entre deux rivaux. Cédric raillait l’ « égo-trip » de son émule. Interpellant dans le public Maeva, étudiante à l’IEP, il cherchait à définir les contours de la perfection :
« Qu’est ce qui me prouve que sa beauté n’est pas seulement une vue de mon esprit, et qu’au final elle se révèle ne pas être si sublime que l’idée que je m’en faisais, en n’étant pas callipyge par exemple ? Au passage, point définition : Callipyge, adjectif signifiant qui a de belles fesses. »
Chemin faisant, celui qui plaidait contre la perfection, affirmant que l’imperfection faisant la beauté de la vie, fustigeait le « perfectionnisme » qui ne serait jamais qu’un « pessimisme » :
« Peur incapacitante de l’échec , le perfectionnisme est un pessimisme, l’on voit toujours le verre a moitié vide, il est défensif et auto-centré, concentré seulement sur la récompense ou achèvement. Il stresse l’individu , ne lui accorde aucun repos et est inéluctablement voué a l’échec. »
Coup de cœur et coup de sang
Remarquée, la performance de Gaëtan Fusaro l’a été. L’étudiant de l’IEP a été désigné « coup de cœur du jury ». Dans une intervention qui confinait à la poésie, il est intervenu – ironie de l’histoire – face à Loïc Moundanga, son ancien camarade de classe préparatoire aujourd’hui étudiant à l’école de commerce, sur le sujet « Le fruit du hasard est-il comestible ? ». La joute a pris un tour carnassier lorsque, contempteur du hasard, G. Fusaro a ridiculisé les étudiants de GEM :
« Il est facile de louer les fruits du hasard quand on est né une cuillère d’argent dans la bouche, festoyant avec allégresse autour d’amuse-bouches, alors qu’un être humain sur trois n’a même pas accès à la douche. Ne faites pas vos sainte-Nitouche, vous faites une fac d’économie vitrée à 10 000 euros l’année. »
Et à Gaëtan de défier le hasard en mêlant humour noir et sens de la formule :
« Face à l’absurdité du hasard, nous pourrions soit nous en remettre aux religions, en posant un genou à terre, soit quitter ce monde définitivement en se suicidant, comme l’a fait mon grand-père. Je pense plutôt que ce sont deux attitudes lâches, et que le hasard doit être défié ».
La joute suivante était disputée par Timothé Gagnard et Benjamin Poyet sur le sujet « Peut-on lever le voile sur les femmes ? ». Même si le premier a déployé beaucoup de virtuosité pour défendre les couleurs de notre école, c’est finalement l’élève de GEM qui a recueilli les faveurs du jury.
Johann Garnek donnait ensuite la réplique à Antoine Ellias sur le sujet « Les mass médias rendent-ils les masses médiocres ». Le premier brocardait les prétendues lacunes des Sciences pistes en anglais, avant que le second rétorque qu’il avait enregistré la performance de son compétiteur sur son « Iphone five ». Et de prendre la défense des mass média :
« De Christophe, le danseur tourquennois, à Shanna, la marseillaise, aussi pulpeuse que les fruits qui voient le jour dans sa région, jusqu’à Anthony le chanteur lyrique, en passant par Loana et Jean-Edouard ô combien notoires pour leurs ébats aquatiques… »
Car, dans le sillage d’Aristote, n’est-il pas permis de penser que la télé poubelle remplit une fonction cathartique ? Enfin, n’est-il pas permis de penser que le sujet moderne est libre de se plonger ou non dans des émissions indigentes ? Faut-il se résoudre à considérer que les masses sont passives et privées de libre-arbitre ?
« Ces orgies télévisuelles, ces bacchanales modernes, ne vous imposent rien, mais ne font que vous proposer, à l’heure où le simple fait d’appuyer sur une télécommande, déverrouillerait la pudibonderie la plus élaborée. »
Une performance applaudie par les jurés. Antoine, Cédric et Gaëtan ont remporté les joutes qui les opposaient aux étudiants de l’école de commerce, permettant à notre IEP de remporter le Prix Stendhal.
E.S.
Photos : Ulysse Airieau