Un pays trouve du pétrole, il exploite le gisement, les coffres de l’Etat se remplissent de pétrodollars mais, loin de contribuer au développement du pays, les puissances étrangères se ruent pour le piller, tout cela pendant que le clientélisme et la corruption gangrènent le système politique. Telle est la malédiction du pétrole. Certains pays comme la Norvège s’organisent afin de ne pas tomber dans le piège tandis que d’autres s’embourbent dans la malédiction de l’or noir, à l’instar de nos amis nigériens. Le phénomène n’est pas nouveau : déjà en 1970, le diplomate vénézuélien Juan Pablo Pérez Alfonzo prévenait ses compatriotes contre les dangers du pétrole, de « l’excrément du diable ». Il y a quelques semaines, un autre vénézuélien, Hugo Chávez, a perdu son duel contre le cancer. Mais a-t-il aussi perdu son combat contre le pétrole ?
En 2001, deux ans après l’arrivée au pouvoir de Chávez, le Venezuela avait une réserve pétrolière de 77 700 millions de barils, période durant laquelle le prix du pétrole frôlait les 25 dollars (dollars 2011). Dix ans après, les réserves pétrolières vénézuéliennes dépassaient les 296 500 millions de barils et le prix tournait autour des 100 dollars. Le Venezuela de Chávez devenait ainsi le pays avec les plus grandes réserves mondiales. Qu’a-t-il fait avec l’argent ?
Avec la constitution de 1999 et la loi organique sur les hydrocarbures de 2001, Chávez remporte le bras de fer contre les capitaux privés, vénézuéliens et étrangers, qui jusqu’ici tenaient les rênes de Pétroles du Venezuela SA. Des voix contestatrices s’élèvent alors (grève générale en 2002, coup d’Etat de Carmona) mais Chávez paraît inébranlable. Sortant victorieux de ce combat, il lance un ambitieux programme social qui connaît un grand succès : lutte contre l’analphabétisme, réduction de la pauvreté. Bref, on a tous déjà entendu parler des délices du socialisme du XXIe siècle. Toutefois, mettre tous les œufs dans le même panier a ses revers. Le secteur agricole régresse rapidement et de nombreuses entreprises sont liquidées. Le pays dépend plus que jamais des importations pour satisfaire la demande en biens de première nécessité. Malgré la « loi de terres et du développement agraire », l’exode rural s’accentue. La situation dans la capitale dégénère, la faute ç un secteur du bâtiment et à une police largement dépassés par les enjeux. L’inflation atteint des niveaux historiques et la dette publique s’envole. Au premier abord, Chávez aurait laissé sa patrie bolivarienne dans un sale état.
On le “satanise”, on rit de ses dérapages, mais on ne peut pas dire pour autant que Chávez ait poussé le pays dans le piège de l’excrément du diable. L’économie ne tient que sur une jambe, celle du pétrole, mais telle était la situation avant 1999. Honte surtout aux organismes internationaux qui, par leur discours, prônent la spécialisation, qui a certes des bienfaits, mais qui est loin de ressembler au paradis idyllique que l’on nous vend. Puis, la grande différence entre le Venezuela et les autres pays qui portent le fardeau pétrolier réside dans la subsistance d’une certaine forme de démocratie.
JFD